Un jour en perruque afro, un autre les cheveux teints en bleu. Le lendemain, Lous and The Yakuza pose pour la collection campagne Automne-Hiver 2020 de Louis Vuitton. Lous est un caméléon. Mais il suffit d’une rencontre pour ne pas l’oublier, capter l’intensité de sa personnalité et de sa jeune vie. Lous marque. Par son timbre de voix, son regard profond, une énergie lumineuse. Lous and The Yakuza, aka Marie-Pierra Kakoma, 23 ans, est un mélange détonnant de cultures congolaise, rwandaise, japonaise et belge. Elle est née à Lubumbashi, fut biberonnée aux mangas, a grandi à Saint-Josse et Anderlecht. Elle a 23 ans, chante une musique décomplexée. Nuancée. Bouleversante. Et compte bien réaliser son rêve : devenir une légende. Lumière sur une personnalité qui était l’un des visages derrière le rassemblement antiraciste Black Lives Matter en Belgique.
Quand as-tu débuté la musique ?
Lous and The Yakuza : J’ai longtemps été disciplinée dans mon art. Quand j’ai commencé à écrire, j’avais sept ans. Je me forçais à écrire trois histoires par semaine, et j’étais vraiment structurée, parce que c’était ma façon de vérifier combien je m’améliorais. Et c’est la même chose avec les chansons. Chaque mois, j’écrivais des textes.
Tes sonorités sont presque classiques. Qu’est-ce qui t’a inspiré, si jeune, pour créer ?
Les tragédies me font beaucoup réfléchir. J’ai écouté beaucoup de musique classique parce que mon père, médecin, écoutait beaucoup Mozart, Chopin, Vivaldi, Beethoven. Bien que la musique classique n’ait pas de mots, même enfant, je comprenais l’intention. J’avais l’impression qu’elle me parlait. J’écrivais donc des histoires basées sur l’écoute de la musique classique, ce qui peut sembler bizarre, mais pour moi ce lien est clair. La musique classique, c’est comme si on écoutait une histoire tout le temps.
En regardant tes vidéos, il est clair que tu es très attachée à l’esthétique. Comment as-tu décidé de tes collaborations pour les visuels ?
Nous avons eu des tonnes et des tonnes de réunions pour trouver un réalisateur, et c’était horrible. Comme pour El Guincho sur l’album, je voulais qu’une seule personne me suive tout au long du processus, pour qu’il y ait une vision à travers toutes les vidéos du premier album. C’était difficile, jusqu’à ce que je rencontre Wendy Morgan, j’ai vraiment aimé son ambiance.
Qu’est-ce qui a amené ta famille en Belgique quand tu étais enfant ?
La guerre. Ils mettaient des Rwandais en prison en 1998 au Congo. Ma mère, elle aussi médecin, a été enlevée et elle a passé deux mois en prison. Mon père l’a fait sortir, elle n’a eu qu’un jour pour faire ses valises et partir. Et c’est pour cela qu’elle est allée en Belgique. C’est plus facile pour un Congolais d’aller en Belgique parce qu’ils avaient colonisé nos pays, donc le lien est déjà là. Elle y est donc allée en 1998 avec ma petite sœur. Nous ne pouvions pas l’accompagner, mais je suis arrivée deux ans plus tard avec le reste de mes frères et sœurs, mais mon père n’est pas venu.
Trouves-tu que la création est une forme de catharsis pour ce genre de traumatisme ?
Je ne pense pas qu’écrire des mots fasse disparaître la douleur – ce serait bien, mais ce n’est pas comme ça que ça marche… L’album contient aussi des chansons sur le viol, la prostitution, le cancer, la solitude, les dilemmes. J’espère juste qu’en écoutant mon album, les gens ressentent une certaine empathie, et se sentent un peu plus capables de comprendre l’humanité sans juger si vite.
Un souhait dans ta vie ?
« J’aimerais inspirer des jeunes filles et je veux être l’exemple d’une femme noire qui a réussi toute seule, envers et contre tout ».