Forte d’une expérience de plus de dix ans en projection de films en extérieur à Lubumbashi (RDC), Marie-Aude Delafoy, attachée culturelle à l’ASBL Dialogues, partage avec les lecteurs de Buzzz Magazine son expérience et les défis auxquels sont confrontés les promoteurs du Septième art. Souriante, elle croit en l’avenir du cinéma sur son contient et appelle les décideurs à inscrire la culture sur l’agenda de demain.
Buzzz Magazine : Marie-Aude bonjour. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Marie-Aude Delafoy : Je suis attachée culturelle à l’ASBL Dialogues, plateforme culturelle et artistique qui promeut les arts et la culture au Congo. Nous sommes installés à Lubumbashi et accompagnons les artistes, plasticiens ou plasticiennes principalement, pour qu’ils puissent vivre de leur art et surtout rencontrer un public. Mon travail est de créer les conditions d’un « dialogues au pluriel » entre les artistes et tous les publics. Nous les aidons à monter les expositions, à organiser des évènements dans notre galerie d’art au Musée national de Lubumbashi.
Considérant qu’il y a peu d’espace pour la photographie et le cinéma, nous promouvons ces arts également. Nous accueillons des expositions photo et, quand le temps nous le permet, organisons des activités cinématographiques.
Vous avez une expérience de plus de dix ans de projection de films en plein air. Parlez-nous de cette expérience.
C’est une très belle expérience ! Nous sommes sensibles au cinéma et nous avons aussi des demandes des réalisateurs, ce qui nous permet de multiplier les espaces de rencontre avec le public. Nous avons un espace formidable ici au Musée National de Lubumbashi avec un parce très spacieux qui nous permet d’accueillir des projections en plein air.
C’est extraordinaire parce qu’on accueille entre deux cents et trois cents personnes, c’est la jauge moyenne pour chaque projection. On installe des chaises dans la pelouse, un grand écran pour la projection et une machine à popcorn pour créer une ambiance de cinéma. En saison sèche, nous avons nos chaufferettes pour assurer le confort en extérieur le soir. Souvent, les réalisateurs de films projetés sont présents pour participer au débat ouvert avec le public à la fin de la projection. Ce sont des soirées formidables. En saison de pluie, nous accueillons des projections dans la galerie entre quarante et cinquante personnes maximum.
De cette expérience, quels en sont les défis majeurs pour vous ?
Je dirais qu’ils sont facilement franchissables. La technique reste le plus grand défi parce qu’il faut avoir un écran à haute définition, trouver des partenariats sur place pour les matériels et un son de grande qualité. Quelques fois un défi d’ordre économique. Bien que très soutenus par la Fondation Rachel Forrest, étant une ASBL nous n’avons pas tous les moyens nécessaires, mais nous fonctionnons, assurant une pérennité du dialogue culturel et artistique dans la province du Grand-Katanga et c’est là l’essentiel. Pour le reste, nous sommes heureux d’organiser ces évènements même si maintenant la pandémie de la Covid-19 et le couvre-feu perturbent beaucoup notre programmation .
Quels sont vos projets après Covid ?
Pour le cinéma extérieur, nous ne savons pas accueillir notre public avec la garantie sanitaire maximale. Le cinéma doit vivre malgré tout, nous prévoyons donc d’accueillir des projections à l’intérieur, dans notre galerie au Musée, avec un maximum de trente personnes. Si les gens qui viennent aux projections attrapent le virus du cinéma, ce sera alors bon signe !
Quel est votre regard sur l’état du cinéma dans votre pays, la RDC, et en Afrique ?
MAD : (réfléchit) le cinéma africain, qui reste relativement jeune, a été sacralisé par le FESPACO (Festival Panafricain du Cinéma et de la télévision de Ouagadougou), permet de faire des rencontres, acheter et vendre des films, les présenter au grand public. Je suis persuadée que ce festival a donné le goût du cinéma africain et sert aujourd’hui de référence. Le problème du cinéma africain aujourd’hui ce qu’il souffre de financement et de sa distribution. Je déplore qu’en RDC il n’y ait encore de festival de cinéma, mais ça arrivera très vite avec la dynamique de création qui s’installe. Il y a des réalisateurs, des acteurs très doués et c’est prometteur.
Le côté négatif c’est le manque d’apport du pouvoir public et les ministères dédiés. C’est une catastrophe et on a besoin, sans vouloir heurter les décideurs, qu’ils entendent le cri de détresse de la profession et qu’ils aient envie d’investir dans l’art et la culture. On peut inscrire sur le budget ces domaines, car avec l’éducation, ils sont la colonne vertébrale d’un pays. Que l’on donne un tout petit peu plus de moyens à ceux qui font ce travail sur le terrain et qui sont sacrifiés.
Cela concerne aussi les sponsors ou les opérateurs économiques, on doit tous mettre la main à la pâte. Nous avec l’ASBL Dialogues, nous faisons notre part en organisant des événements et en rendant gratuit l’accès à notre galerie et aux évènements que nous y organisons.
Marie-Aude, merci.
Iragi Elisha pour Buzzz Magazine