Mamane de son vrai nom Mohamed Mustapha est drôle. Très drôle sur scène, en interview, il n’est pas drôle, mais il impressionne par son humilité, sa gentillesse et son empathie. Bref, c’est un type bien, très bien. Buzzz est tombée sous le charme d’un Africain sans frontières et de son nouveau spectacle « L’histoire pas drôle de l’Afrique »

Bonjour Président, bonjour Mamane, 

Quelle est votre histoire avec notre pays ?

Je suis venu dans le cadre de la tournée de mon spectacle « L’histoire pas drôle de l’Afrique ». J’ai choisi de commencer cette tournée en Afrique avant d’aller la jouer en France et ailleurs. J’ai débuté l’année dernière et c’est une exclusivité pour le public africain. J’ai déjà joué à Libreville, Douala, Yaoundé, Lomé, Accra, Bamako, N’Djamena, Abidjan, et maintenant Lubumbashi, puis Kinshasa.

Mon histoire avec la RDC remonte à 2011. J’ai de nombreux amis humoristes congolais. Et puis, dans l’histoire de l’Afrique, le Congo est incontournable. C’est un géant économique, démographique et culturel. Pour moi, c’est même lui qui devrait être appelé « le continent » plutôt que le Cameroun, qui s’autoproclame ainsi parfois.

Comment se passe votre enfance ?

Une enfance tranquille au Niger à Agadez, qui est l’équivalent de Lubumbashi pour mon pays le Niger parce que Agadez c’est vraiment une région au con-fin du Sahara qui a des richesses minières notamment l’Uranium. C’est là que je suis né, mon père enseignant puis fonctionnaire et qui a fini Ambassadeur. C’est comme ça que j’ai beaucoup voyagé dans mon enfance, j’ai grandi entre le Nigeria, la Cote d’Ivoire, le Cameroun, l’Algérie et le Niger. C’est cette enfance qui m’a donnée beaucoup de curiosité et un appétit de lecture, mon père rapportait toujours des journaux, des magazines et l’enfant que j’étais lisait tout ce qui lui passait entre les mains. Adolescent j’étais passionnais par le football, la musique et surtout beaucoup de lecture et j’en profite pour donner un conseille aux jeunes qui font de l’humour ; Soyez curieux, lisez beaucoup, tout ce qui vous passe entre les mains et dans tous les domaines, sport, cuisine, médecine… Un humoriste doit être complet, il doit être comme un 4X4 prêt à rouler sur toutes les pistes. 

Le fait d’avoir grandi dans ces différents pays m’a donné le sentiment d’appartenance à toute l’Afrique. Je ne me sens pas seulement Nigérien, je me sens Camerounais, Ivoirien, Togolais, Congolais… un vrai Gondwanais !!!

Qu’est ce qui a déclenché votre carrière d’humoriste ?

Et bien le hasard de la vie ! J’ai fait des études scientifiques, j’ai une thèse en Physiologie végétal. C’est pendant que je préparais cette thèse qu’un ami m’emmenait dans un atelier de comédie à Paris, et un jour comme par hasard en me demande de remplacer un acteur qui était absent et j’y ai pris gout. J’ai écrit mon premier sketch qui parlais déjà du Gondwana à l’époque au début des années 2000. Je suis montais sur scène pour la première fois à Paris au Théâtre du Fil, où tous les dimanches soir les inconnus et débutants montent sur scène. Beaucoup de grand humoristes français sont passés par là. C’est là que tout a commencé pour moi.

Vous arrive-t-il de vous censurer ?

Oui, je me censure sur certaines choses. Notamment la vulgarité, la grossièreté et les sujets frivoles. Ce n’est pas mon style. De plus, je ne fais jamais d’attaque personnelle, cela ne m’intéresse pas. Mon humour s’attaque aux comportements et aux actes, que ce soit ceux des hommes politiques ou des États. Ce sont les seules limites que je m’impose.

Vous recevez des attaques sur les réseaux sociaux ?

Oui, j’en reçois quotidiennement. Un humoriste qui ne laisse pas indifférent, c’est un humoriste qui touche là où ça fait mal. À travers mes chroniques, je tends un miroir aux gens. Ceux qui se reconnaissent dans le Gondwana comprennent qu’ils sont du côté de la corruption et de la mauvaise gouvernance. Évidemment, ils n’aiment pas ça.

Mais la majorité des Gondwanais apprécient mon travail, car ils savent que j’aborde les sujets qui leur pourrissent la vie. Ce ne sont pas seulement les politiciens, mais aussi tous ceux qui abusent de leur pouvoir : le commerçant qui augmente ses prix injustement, l’homme qui maltraite sa femme, le policier corrompu… Tous ceux qui utilisent leur position pour opprimer les plus faibles se reconnaissent et se sentent visés.

Comment faites-vous pour être si bien informé sur les réalités africaines ?

J’ai voyagé dans presque tous les pays africains, et nos réalités sont souvent similaires. Ce qui se passe en Côte d’Ivoire peut aussi se produire en RDC, au Nigeria ou au Niger. Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, il est facile de suivre l’actualité en temps réel.

Autrefois, seuls les médias nationaux ou privés détenaient l’information. Aujourd’hui, chaque citoyen est un média à lui seul. Il suffit qu’une situation lui paraisse injuste pour qu’il prenne son téléphone, filme, publie, et l’information circule dans le monde entier. Donc, c’est le côté positif de l’internet.

Combien de temps passez-vous à préparer vos chroniques ?

Je suis constamment en réflexion. Un humoriste doit avoir un avis sur tout. Il doit être la voix des sans-voix. Je n’ai jamais le syndrome de la page blanche, car l’actualité me fournit toujours de nouveaux sujets. Chaque jour, je collecte des idées en observant le monde qui m’entoure.

Comment enregistrez-vous vos chroniques lorsque vous êtes en déplacement ?

Lorsque je suis à Paris, je vais en studio. Mais la plupart du temps, j’enregistre et j’envoie mes chroniques en qualité studio. Mes chroniques doivent être collées à l’actualité, donc je ne peux pas me permettre d’enregistrer plusieurs jours à l’avance.

Vous parliez d’attaque sur les réseaux, c’est aussi le délit de faciès ?

Le délit de faciès existe partout. Aux États-Unis, un Latino peut être expulsé alors qu’il est un citoyen américain. En Afrique de l’Ouest, un Peul ou un Nilote peut être soupçonné d’être un djihadiste. En RDC, certains m’accusent d’être un complice de Kagame simplement à cause de mon apparence. Ces préjugés sont souvent exploités par les politiciens pour diviser les peuples et mieux régner.

Petit jeu rapide : 

Coluche ou Pierre Desproges ? Les deux. Coluche pour son humour populaire, mais caustique, et Desproges pour son humour noir.

Fernand Raynaud ou Bourvil ? 

Les deux aussi. Un humoriste doit marquer les esprits et provoquer des réactions.

Louis de Funès ou Raymond Devos ? 

Raymond Devos

Bedos ou Michel Leeb ? 

Bedos, dix mille fois

Les inconnus ou Myriam Robin ? 

Les inconnus, c’est incontournable.

Eli Kakou ou Patrick Timsit ? 

Timsit. Il était très efficace à un certain moment. Eli Kakou est parti trop tôt et c’est une manière de rester immortel.

Jamel Debbouze ou Dany Boon ? 

Jamel, car il a ouvert la porte à de nombreux talents et m’a offert mon premier gros cachet avec le Jamel Comedy Club.

Florence Foresti ou Anne Roumanoff ? 

Anne Roumanoff pour son humour politique engagé.

Jérémy Ferrari ou Alex Vizorek ? 

Jérémy Ferrari, un ami et un humoriste brillant que j’ai fait venir en Afrique.

Que pensez-vous de la peur de certains humoristes de venir en Afrique ?

Beaucoup d’humoristes, même d’origine africaine, ont peur de venir en Afrique. Ils craignent que leur humour ne soit pas bien reçu. Pourtant, l’humour est universel et peut traverser toutes les frontières.

Un dernier mot ?

Merci à vous pour cette interview ! J’espère que le public continuera à suivre mes spectacles et à partager mes chroniques. L’humour est une arme puissante pour éveiller les consciences et changer le monde.