Soutenir la ferveur créatrice en s’adaptant aux réalités locales

Malgré des contraintes, la 8e Biennale de Lubumbashi a mis en relief les œuvres et la pensée du philosophe Valentin-Yves Mudimbe dans une édition orientée vers les artistes nationaux.
La pensée du philosophe Valentin-Yves Mudimbe a plané sur les colloques, notamment lors des conférences au Centre d’art Biasasa, créé par le cinéaste Fundi Mwamba, lauréat du Creativity Pioneers Fund 2024. Les curatrices du Hyundai Tate Research Center, dont Carine Harmand, y ont exposé des photos d’archives de collections congolaises de l’époque de Léopold II, réalisées par des activistes anti-esclavagistes. L’UNILU permet un accès public à sa collection de plus de 8000 ouvrages de la Bibliothèque de Mudimbe.

« Cette édition est un moment de démarrage sur un projet de deux ans qui va permettre le développement des projets satellites qui seront présentés progressivement. De ce point de vue-là, c’est une réussite » a déclaré Sammy Baloji, un des membres du collectif Picha.
Les artistes congolais, confrontés au manque de matériel, transforment la récupération en méthode créative assumée et innovante, comme l’ont illustré Tom Bogaert (Belgique) et Michel Lafleur (Haïti) dans le projet « J’aime RDC » où ils ont utilisé des emballages plastiques pour répercuter les préférences de la population rencontrée dans la rue. Le résultat collaboratif, avec la modéliste Nilla Banguna, est une impressionnante toile murale traduisant les aspirations sociales et artistiques des locaux.

Un autre projet majeur, Shinkolobwe : Between Power and Memory, était porté par Roger Peet, artiste muraliste américain, le dessinateur Sixte Kakinda (RDC) et Toshie Takeuchi (Japon). Ce trio réussit, par la justesse de l’exposition, à éviter toute dispersion et à « lutter contre l’oubli du passé tragique. »
Les questions d’identité ont occupé une large part des expositions photographiques. La série « Mizizi » de Antalya Mbafumoya questionne, par surexposition et incursion dans les archives, l’influence arabo-swahili dans l’Est de la RDC ; Emmany Koto identifie quant à lui les représentations sociales et la question de l’appartenance, à travers le tabou de la double identité dans ses séries « Ni Noir Ni Blanc » et « Le Dernier des Mulâtres » et Israël Nzila avec « Bulongo » (Terre en Swahili), œuvres photographiques sur des plaquettes en argile, représentant des maisons fissurées et abandonnées, pose une réflexion sur les conséquences des activités minières, entre passé colonial et effondrement de la Gécamines.
« Le principal défi reste les moyens, parce que la Biennale demande énormément d’investissements, non seulement financiers, mais aussi des ressources techniques et humaines. Et ce n’est pas toujours disponible. Nous regardons comment changer, couper ou réadapter pour que ça ne coûte pas trop, mais proposer une édition de qualité », résume Brigitte Mbaz, coordinatrice de l’édition.

Les contours de l’organisation de la 8e édition de la Biennale de Lubumbashi ont révélé la formidable créativité artistique que promeut Picha tout en dévoilant les défis encore nombreux auxquels font face les artistes. Pour continuer d’exister, la Biennale de Lubumbashi se réinvente pour offrir un espace artistique qui correspond aux aspirations sociales d’une société multiculturelle.
Texte : Mwant-A-Ntal
Images : Ariel Kasongo