Politologue de formation, Yvon Yusuf, la star de ce numéro est un artiste musicien, auteur-compositeur et philanthrope également. Il est signé actuellement dans le label Shaba Industry. Il accorde une interview exclusive à Buzzz Magazine.

Interview réalisée par Noémie Banze pour Buzzz Magazine – octobre 2023

D’où tu tires ton inspiration ?
Je me suis lancé officiellement en 2015 dans la musique avec un groupe et pendant mon parcours j’ai écouté beaucoup d’artistes différents. Au tout début je rappais simplement, ce n’est que vers 2018 que j’ai commencé à essayer le chant. Je m’inspire de ce je vis, ce que je vois ; de ce que vit ma société au quotidien, puisque j’ai vécu une vie presqu’ordinaire, un quotidien qui ressemble à celui des autres jeunes de mon âge, ce sont ces réalités que je chante. C’est aussi la musique des autres artistes qui m’inspire, ils sont nombreux en tout cas.

Justement en parlant d’études, comment as-tu concilier la musique et les études ?
Exactement, ce n’était pas facile à faire, combiner musique et études parce que déjà j’ai fait des études qui semblent paradoxales à la carrière d’artiste ; j’ai étudié le latin-philosophie et à l’université j’ai fait les Sciences Sociales Politiques et Administratives (rire). Un politologue artiste ce n’est vraiment pas évident, donc pour répondre à comment j’ai su concilier études et musique je crois qu’à la fac je n’étais qu’un simple étudiant et au studio j’étais artiste. J’ai tout fait pour maintenir cette différence. Quand je suis à la fac ne me parle pas de musique, quand je suis au studio ne me parle pas d’études. Je me donnais l’image par rapport à l’espace que j’occupais.

Quelle a été la réaction de tes parents quand tu as décidé, après tes études de te lancer officiellement dans une carrière musicale ?
Déjà quand j’étais à la fac, ma maman savait que je faisais de la musique. Elle écoutait mes sons mais elle n’accrochait pas trop ; mais quand elle me voyait à la télé elle filmait, elle était toujours heureuse de me voir même sans connaître mes chansons. Vu qu’elle est swahiliphone et que moi à l’époque je ne faisais que des sons en français ça ne lui parlait pas.
Mon papa, avant que je ne décroche mon diplôme de licence, a vu des vidéos de moi sur Facebook où je chantais dans un festival ; il s’est automatiquement abonné à mon compte et il m’a dit apprécier ce que je faisais en me donnant des conseils : « Ecoutes tu chantes, j’aime ce que tu fais tant que ce n’est pas n’importe quoi et que ça te rapporte de l’argent, moi je suis peace avec toi. » et jusqu’à aujourd’hui mon père et ma mère me soutiennent et m’accompagnent… Ils sont mes plus grands fans.

On connaît Yuss l’artiste mais Yuss c’est aussi une personne engagée pour une cause : l’albinisme. Peux-tu nous en parler ?
Ça c’est ma question préférée ! Oui je ne peux pas être un artiste sans parler d’albinisme, c’est impossible. C’est un aspect très important de ma vie.
Pour moi cette différente c’est l’excellence. Avant de tenir les discours révolutionnaires autour de la discrimination des personnes albinos, je me dois d’être exemplaire et de proposer quelque chose dans la société.
Après il y a beaucoup à dire sur l’albinisme mais moi j’essaie à travers la musique de montrer que les personnes albinos ont leur importance dans la société, qu’elles peuvent être intégrées si seulement elles s’acceptent d’abord elles-mêmes. Et avant de tenir un discours comme ça je voulais d’abord faire un petit pas entant qu’artiste.
Mon souhait a toujours été de créer une plateforme qui va mettre en avant les personnes albinos en détails, surtout que les gens pensent qu’aider un albinos c’est lui donner de l’argent mais je crois qu’aider l’albinos c’est l’accompagner seulement mentalement parce que tous n’ont reçu la même éducation. Moi j’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont accompagné depuis tout petit, ils m’ont nourri en confiance mais y a d’autres qui ont été rejeté. C’est difficile de devenir une élite sociale si déjà la famille ne t’a pas accompagné. Alors pour ceux-là qui n’ont pas reçu cette considération dès l’enfance, je me dois, avec les petites connaissances que j’ai, de proposer quelque chose.

Tu dis que tes parents t’ont mis en confiance, ils t’ont accompagné depuis ton enfance jusqu’à maintenant mais est-ce le regard extérieur as-t-il été un poids pour toi à une époque ou même maintenant ?
J’ai eu à affronter le regard extérieur oui mais ça ne m’a pas affecté ; parce j’étais déjà préparé à affronter le regard des gens. Il y avait déjà cette autosuffisance relationnelle comme j’étais très proche de mes parents, mes frères, mes cousins.

Que dirais-tu à un jeune, congolais, albinos qui a cette volonté de braver les jugements pour réaliser ses rêves ?
Ce que je lui dirais c’est de croire en lui, même si cela est difficile, il doit croire en lui. Et surtout, surtout d’être bien entouré car cette ceinture sociale va lui permettre de rester solide face aux jugements sociaux, les regard négativistes…

Si tu n’étais pas un artiste, tu aurais voulu être quoi ?
Oui (rire) si je n’étais pas un artiste je serais un politique, tout simplement. Je ferais partie d’une idéologie politique qui défendrait les causes des basses classes, comme je le fais déjà avec ma musique. Si je n’étais pas artiste j’aurais été un pasteur ou imam je crois, (rire) c’est ça que je serais.

Tu as un petit mot pour la fin ?
Un bon mot de fin ? Je ne crois pas (rire) parce je crois qu’il n’y aura pas de fin puisqu’on va encore se retrouver pour d’autres interviews ou d’autres choses à partager. Je n’aime pas le mot fin car ça sonne trop « c’est fini » (rire).